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« Nous sommes à l'aube d'affrontements très violents »

« L’histoire est redevenue tragique et nous l'avons oublié ». Dans Le sursaut ou le chaos, Thibault de Montbrial établit comment nous sommes en guerre, ce que plus personne ne peut nier. Cette guerre a pour moyen privilégié le terrorisme. Elle n'est pas menée par des soldats en uniformes, mais par des civils, dont souvent l'aspect extérieur est le même que celui de l'ensemble des citoyens, mais qui, comme les frères Kouachi, peuvent être des djihadistes de retour au Pays , cette guerre est mondiale, elle n'a pas de motifs politiques, mais des motifs religieux. Son but   imposer une loi médiévale qui discrimine les femmes, rend obligatoires toutes sortes d'interdits alimentaires et établit une nouvelle échelle de valeur avec en haut les citoyens qui pratiquent cette loi, et en bas ceux qui refusent de la pratiquer. Pour tous ceux qui l'auraient oublié, ces trois cents pages qui peignent le chaos et appellent au sursaut, montrent comment nous avons changé de siècle et pourquoi les vieux discours antifa sont devenus simplement périmés.

Thibault de Montbrial, vous venez d'écrire un livre qui résume l'histoire du terrorisme islamiste. Vous lui avez donné un titre éloquent : Le sursaut ou le chaos. C'est lapidaire ! Comment définissez-vous ce qui se passe depuis le fameux 7 janvier ? 

Je dirais d'un mot, sans précaution oratoire nous sommes attaqués.

Mais de quelle guerre s'agit-il ? D'une guérilla terroriste ? De tensions sociales aboutissant aux combats de rue ? De problèmes d'intégration ethnique pouvant mener à la guerre civile ? Faut-il parler comme le pape François l'a fait à plusieurs reprises de « guerre mondiale par morceaux » ? 

Les différents diagnostics que vous évoquez ne sont pas incompatibles. Il y a un cumul de facteurs. Il faut reconnaître d'abord chez nos gouvernants la faute politique qui a consisté à ne pas avoir anticipé dès les années 70 les conséquences sociales et politiques d'une immigration maghrébine massive. Au lieu de se tenir à une logique d'assimilation, comme les générations précédentes, on a vu apparaître une tolérance systématique face à des comportements revendicatifs de type identitaire dans les populations nouvellement françaises. Le résultat ? Après deux générations d'enfants français, on se retrouve pour la première fois dans l'histoire de la France devant un problème ethnique, qui n'existerait pas si nous avions des valeurs communes. On a voulu faire le choix d'un nivellement des valeurs. Le moment est venu d'en payer le prix.

Quels sont les ingrédients qui vont produire l'explosion que vous annoncez ?

Ce que j'essaie d'expliquer dans ce livre, c'est qu'il y a deux phénomènes qui se rejoignent d'une part, la communautarisation de la société française. Nos politique avaient l'impression que tant que nous pouvions déployer une politique d'assistanat, il n'y aurait pas de problème avec le multiculturalisme. On sait maintenant que c'est une erreur. Le Danemark, où la tradition social démocrate est forte comme dans les autres pays Scandinaves, est le pays - avec la Belgique - où il y a le plus de djihadistes proportionnellement au nombre d'immigrants musulmans. Quant à la Belgique c'est un pays qui se rapproche beaucoup de la France par bien des côtés. Les gens qui se mettent dans la logique d'attaquer l'Occident ne sont pas mus par un esprit de revanche social ou économique, nous ne voulons pas le voir. En réalité nous sommes attaqués pour ce que nous sommes. De façon très légère, nous pensons souvent à propos des djihadistes « Ils sont fous ». Ce n'est pas cela ! Ces gens qui partent au djihad n'avancent pas masqués, ils veulent nous détruire. Et nous pendant ce temps, on s'est endormi dans la paix. Quel contraste ! C'est la raison de base pour laquelle j'ai écrit ce livre..

Vous décrivez la communautarisation de la société française. Quel est le deuxième phénomène ?

Le deuxième phénomène, qui amplifie encore le danger, c'est l'expansion de l'islam radical sunnite. On peut gloser sur les erreurs des Occidentaux au Proche Orient, le problème n'est pas là. La date capitale, c'est le 29 juin 2014, l'érection officielle du Califat avec à sa tête le Calife Ibrahim, Abou Bakr Al Bagdadi. Lui fait très clairement une guerre de conquête. Le territoire actuellement contrôlé par l'État islamique correspond à 9 ou 10 millions d'habitants, un véritable terreau pour le recrutement de terroristes prêts à tout.

Revenons à notre Hexagone... Vous êtes vous-même avocat, spécialisé dans les cas de légitime défense. Y a-t-il un rapport entre votre perspective professionnelle et l'écriture de ce livre Le sursaut ou le chaos

Nous sommes dans un des pays les plus développés au monde et nous sommes en paix depuis trois générations. Les soixante ans de paix que nous avons connus, malheureusement on en sort. C'est une parenthèse dorée dans l'histoire de l'humanité. Le fait est là pourtant il n'y a plus de tradition orale de la guerre, de la nécessité de se défendre et de la légitime défense justement. En France aujourd'hui dans les classes de 6e, on a prévu une demie journée consacrée à la prévention contre la délinquance. Le policier explique ordinairement aux enfants quoi qu'il vous arrive, il ne faut pas vous défendre tout seul. L'État va le faire pour vous. Résultat ? Que ce soit le racket d'un téléphone ou un viol, on nous apprend depuis la tendre enfance à ne pas nous défendre et trop souvent nous restons effectivement sans défense. Pourtant, je prétends que la nécessité de se défendre crée un droit naturel dans l'individu. La délégation de !ce droit par l'individu au groupe n'a plus lieu d'être quand la police n'est jamais là et quand l'État laisse croître des zones où son autorité n'est pas présente. Il y a des actes de polices que le citoyen doit se réapproprier, à moins d'avoir à partir. Attention, la légitime défense, qui est une réaction immédiate, n'est pas la vengeance, qui implique souvent préméditation. Il y a une grande distinction la vengeance, c'est le signe de la déstructuration du corps social. La légitime défense, elle, est signe de santé. Mais nos dirigeants, politiques, économiques, médiatiques, ne se sont jamais posé ces questions. Malgré la permanence des monuments aux morts, on peut dire qu'il n'y a pas de tradition orale sur la nécessité de se défendre soi-même.

Que préconisez-vous ?

Le monde est dans un état d'instabilité qu'il n'a pas connu depuis la Deuxième guerre mondiale. Dans une telle situation, il importe d’abord d'employer les mots qui disent clairement ce qui se passe. François Hollande a employé le terme d' « ennemi » pour la première fois le 14 juillet dernier, plus de six mois après les attentats de début janvier. Jusque-là on parlait plutôt d'adversaire, comme s'il s'agissait d'un jeu ! Il y a par ailleurs des mots, vous le savez, que nos médias paraissent dans une incapacité chronique de prononcer, le mot « islamisme », l'expression « victimes chrétiennes » aussi : souvenez-vous le Quai d'Orsay n'avait pas employé ce terme lors du massacre de 21 coptes en Libye, et s'était retranché derrière le qualificatif d' « Egyptiens ». On pourrait multiplier les exemples... Il faut ensuite avoir le courage de prévoir le pire. J'ai la conviction que nous n'éviterons pas une phase de grande violence. Les tensions sont beaucoup trop fortes pour que cette violence puisse être évitée. Imaginons par exemple un jeune de banlieue qui se tue en harcelant la police et les réactions en chaîne qui pourraient s'ensuivre. Lorsque Malek Boutih, début juillet, dans un rapport au Gouvernement, évoquait un risque de dérive de l'islamisme vers « un phénomène de masse », en France, il était dans cette perspective. Cette expression est d'autant plus lourde de sens que Malek Boutih est un des rares hommes politiques, dans notre Pays, à reconnaître qu'il s'est trompé sur ces sujets. Et - mais cela est significatif des blocages de notre société - son Rapport, Génération radicale [il s'agit d'un radicalisme religieux bien sûr], qui devrait être lu avec attention par les hommes politiques, a été attaqué à partir d'un détail totalement insignifiant il avait cité une personne controversée [il s'agit vraisemblablement de Frigide Barjot NDLR] et cela a jeté l'opprobre sur tout son travail.

Quelles ont été les réactions à la sortie de votre livre ?

J'avais pensé, avec un peu d'espoir, et peut-être parce qu'il me reste un peu de naïveté, que le drame qui a frappé la France au mois de janvier 2015, ce double attentat de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher allait entraîner un électrochoc et, surtout, intégrer dans le débat public un tas de choses que nous sommes un certain nombre à voir, que la plupart des gens voient, mais qui demeurent indicibles dans le débat public. L'on sait ce qui a frappé des gens aussi talentueux que Michel Onfray, Alain Finkielkraut ou Éric Zemmour. Je pensais que nos politiques allaient pouvoir enfin débattre des raisons qui ont amené la France dans cette ornière, des raisons qui ont amené une partie de la jeunesse de France à prendre les armes contre son propre pays, je parle bien sûr des 1 800 djihadistes français qui sont partis faire la guerre à l'Occident. 1 800, c'est un chiffre qu'il faut doubler, voire quintupler... Ne pourrait-on pas parler des raisons de ces trois mille, de ces dix mille jeunes peut-être, qui ont recours à la violence. Ce sont des ennemis de l'intérieur, qui vont faire la guerre à l'extérieur, pour rejoindre un jour leur propre pays. Pouvait-on parler de cela ? En réalité, la discussion n'a pas eu lieu. Très vite, le bloc monolithique s'est remis en place. Or, si jamais on ne tire pas les leçons du mois de janvier 2015, ce qui nous attend sera incommensurablement pire…

Pour répondre plus précisément à votre question, j'ai subi très peu d'attaques après la publication de ce livre. Simplement les médias les plus à gauche m'ont ignoré. J'ai eu des émissions à la télévision, mais malheureusement aucun débat ne m'a été proposé. Ce silence a quelque chose d'inquiétant, mais en même temps je l’ai pris comme un aveu de la qualité documentaire du livre. Personne n'a parlé de lubies infondées.

Comment voyez-vous la rentrée ?

Les bouleversements sont tangibles de semaine en semaine. Je suis l'avocat d'un certain nombre de services de police et je suis allé à Calais au mois de mai avec des policiers. Nous sommes allés à moins de 10 mètres des files de camions qui sont attaquées par les migrants. Les policiers sont débordés et les clandestins sont violents. Il y a des agressions sur les chauffeurs de camion et les policiers. Il va y avoir, dans les six mois qui viennent, des drames avec des morts [cette « prophétie » est déjà réalisée dans la moiteur du mois d'août], des maisons qui vont être envahies et il y a déjà un certain nombre de viols dans la région de Calais. Je vous l'ai déjà dit nous sommes à l'aube d'affrontements très violents..

Propos recueillis par l'abbé G. de Tarnoüarn (cet entretien a été réalisé le 15 juillet 2015)

Thibault de Montbrial, Le sursaut et le chaos. Plon, 2015,15 euros.

 

monde&vie  3 septembre 2015 

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